Le 2 mai 2013, la Commission européenne avait qualifié d’aides d’État les compensations financières versées à la SNCM (Société Nationale Corse-Méditerranée) et à la Compagnie méridionale de navigation pour les services de transport maritime (convention de service public), fournis entre Marseille et la Corse au cours des années 2007-2013.
La CJUE, en juillet dernier, a jugé en revanche compatibles avec le marché intérieur, les compensations versées à la SNCM et à la CMN pour les services de transport fournis tout au long de l’année, correspondant aux services de base, alors qu’ elle a estimé incompatibles celles qui ont été versées à la SNCM pour les services fournis par cette même société pendant les périodes de pointe de trafic, appelés services complémentaires.
Puis, le 10 février 2014, la Commission européenne a introduit un recours (affaire C-63/14) afin de faire constater qu’en n’ayant pas pris dans les délais, toutes les mesures de nature à récupérer auprès de la SNCM ces aides d’Etat déclarées illégales et incompatibles avec le marché intérieur et dont le montant a été évalué à 220 M€ (millions d’euros), alors qu’elle ne s’est jamais trouvée dans l’impossibilité de le faire, et en n’ayant pas davantage annulé tous les versements d’aides précitées, ne suspendant leur versement que le 23 juillet 2013 au lieu du 3 mai 2013, s’abstenant au passage, d’informer la Commission des mesures prises, dans les deux mois suivant la notification de la décision litigieuse, la République française avait manqué à toutes les obligations qui lui incombaient, en application du traité européen.
Par décision du 9 juillet 2015, la Cour de justice européenne a accueilli le recours en manquement introduit par la Commission, et la France se trouve donc condamnée à récupérer ces 220 M€ versées indûment à la SNCM, cette décision ayant fait l’objet du communiqué de presse n° 82/15. Elle a en effet constaté que ce n’est que les 7 et 19 novembre 2014, que la République Française a émis deux titres de recettes à l’encontre de la SNCM, pour un montant d’environ 198 millions d’euros (par ailleurs inférieur aux 220 millions dont fait état la Commission), sans qu’une récupération effective des aides illégales ait eu lieu, jugeant que la seule émission de titres exécutoires, ne peut être considérée comme une récupération de l’aide illégale.
Par ailleurs, pour sa défense, la France avait prétexté qu’il lui était impossible d’exécuter la décision litigieuse, au risque d’une liquidation judiciaire de la SNCM, ce qui aurait entraîné des troubles graves à l’ordre public (du type : mouvements de grève ; blocage possible du port de Marseille) ainsi qu’un risque de difficultés d’approvisionnement de l’île en produits de première nécessité.
A cela, la CJUE a répondu en remarquant que la France n’avait pas démontré qu’elle ne pourrait pas faire face, éventuellement, à de tels troubles, compte-tenu des moyens dont elle dispose, et qu’à supposer qu’un tel blocage prolongé des liaisons maritimes avec la Corse se produise, la France n’avait présenté aucun élément permettant de considérer que la liaison de la Corse avec le continent par d’autres voies maritimes, ou même par la voie aérienne aurait été rendue impossible, estimant en fin de compte, que l’approvisionnement de la Corse en produits de première nécessité n’était aucunement menacé, et que le prétexte invoqué était dilatoire et fallacieux.
On rappellera qu’un recours en manquement, dirigé contre un État membre qui a failli à ses obligations découlant du droit de l’Union, peut être formé par la Commission ou par un autre État membre. Si le manquement est constaté par la Cour de justice, l’État membre concerné doit se conformer à l’arrêt dans les meilleurs délais. Lorsque la Commission estime que l’État membre ne s’est pas conformé à l’arrêt, elle peut introduire un nouveau recours et demander des sanctions pécuniaires, mais , en cas de non communication des mesures de transposition d’une directive à la Commission, sur sa proposition, des sanctions peuvent être infligées par la Cour de justice, au stade du premier arrêt.
Outre une relative lenteur de la justice européenne, n’ayant rien à envier à celle de la France, on ne manquera pas de souligner, par les faits ici relatés, la réelle ingérence des Instances juridictionnelles européennes, dans les affaires économiques des Etats membres de l’UE.
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