Une proposition de loi vient d’être déposée (et devrait être adoptée sans problème), tendant à égaliser (ce qui n’est pas un mal !!!) les délais de réponse de l’administration fiscale et ceux des contribuables, ces derniers ne « luttant pas à armes égales » jusqu’ici… et de loin !…
Une inégalité de droit et de fait entre l’administration fiscale et les contribuables
Nous connaissons tous la pratique qui consiste pour les services de contrôle des impôts, particulièrement ceux de contrôle dit « sur pièces » c’est-à-dire « du bureau », par simple rapprochement entre les déclarations établies, les montants déclarés, et les multiples informations qu’ils reçoivent de tiers, comme prévu par la loi, à adresser généralement dans les deux derniers mois de chaque année, aux contribuables une « proposition de rectification » n° 2120-SD.
Selon la procédure suivie (généralement « contradictoire » c’est-à-dire répondant aux conditions des articles L 55 à L 61 du Livre des Procédures Fiscales), le destinataire du ou des redressements « envisagés » à ce stade, dispose d’un délai général de réponse de 30 jours, auxquels peuvent s’ajouter 30 autres jours s’il en fait simplement la demande avant l’extinction du délai général. Cette dernière faculté n’existe pas dans les situations où le contribuable fait l’objet d’une procédure « d’office ».
Mais nous savons tous également que, si l’administration fiscale est rigoureuse dans les délais impartis aux contribuables redressés, elle l’est très nettement et beaucoup moins envers elle-même, quand il s’agit pour elle de répondre aux observations produites par les contribuables aux rectifications envisagées à leur encontre !
Il n’est pas rare, en effet, que des services de contrôle, répondent 10 mois, voire 15 mois après les observations qu’ils ont reçues du contribuable, lequel ne recevant plus de nouvelles pendant un temps assez long, se demande ce qu’il advient de la procédure dont il est l’objet et serait même fondé à penser que les impôts ont abandonné « la partie » !
Or il n’en est rien ! Il est d’ailleurs frappant de constater que l’on retrouve ce même problème de délai de « réaction » de l’administration fiscale, dans les dates d’inscription aux rôles d’imposition et de « mise en recouvrement » des impositions qu’elle a entendu maintenir !
Un délai général pour l’administration fiscale : celui de la prescription qu’elle a interrompue
La proposition de rectification n° 2120-SD (si elle est régulière [*]) interrompt la prescription, pour ce qui nous intéresse dans cet article, l’impôt sur le revenu, en ouvrant « en-avant » un délai équivalent à celui de son « droit de reprise » (« en-arrière »), c’est-à-dire 3 ans. Par exemple, le service de contrôle notifie en 2017 : il a jusqu’au 31 décembre 2020 pour clore sa procédure et recouvrer l’impôt. En matière de recouvrement d’ailleurs, le délai des comptables publics est même de 4 ans au lieu de 3.
[*] est considérée comme régulière une proposition de rectification n° 2120-SD qui comporte dans la forme toutes les énonciations obligatoires, entre autres, désignation du service d’origine, son adresse, la date, le nombre de pages, l’énumération des garanties générales attachées à une procédure de rectification, la qualité du signataire, ses nom prénom et signature, et l’énumération des articles du Code général des impôts et du Livre des Procédures Fiscales visés.
Une inégalité dans les délais de réponse du fisc qui choque, et donne une mauvaise image des services déconcentrés de Bercy
Il suffit de se mettre à la place d’un contribuable « redressé » en fin d’année (N), qui répond (avec prorogation de 30 jours demandée) en janvier (N+1) puis qui n’entend plus parler de rien… jusqu’en février (N+2) par exemple, où il reçoit la confirmation des rectifications par lettre n° 3926-SD !
Pour peu qu’il ne reçoive plus de nouvelles au-delà des 30 jours alloués dans la 3926-SD pour faire état d’observations éventuelles uniquement sur les pénalités appliquées, et que l’année (N+2) s’achève sans qu’il ait reçu d’avis d’imposition (impôt sur le revenu) ou d’avis de mise en recouvrement (TVA, par exemple), l’intéressé est en droit de se poser un certain nombre de questions et de se demander si son « affaire » n’est pas tout simplement « classée sans suites », d’autant que nombreux sont ceux qui, en pareille situation, ont écrit (courriers postaux ou électroniques) sans jamais recevoir la moindre réponse !
Une proposition de loi pour commencer à harmoniser ces délais de réponse et établir une certaine égalité « fisc / contribuable »
Enregistrée le 27 septembre 2017 sur le Bureau de l’Assemblée Nationale, une proposition de loi présentée par le Député Jean-Luc Warsmann part du constat suivant :
« Dans le cadre d’une proposition de rectification, autrement dit d’une notification de redressement, l’article R*. 57-1 du livre des procédures fiscales fixe un délai maximal de 30 jours au contribuable pour exercer son droit de réponse à compter de la réception de la notification de la proposition de rectification. Le défaut de réponse est considéré par l’administration fiscale comme un accord tacite.
En revanche, il apparaît que la réglementation en vigueur n’impose à cette dernière aucun délai pour répondre au contribuable en cas de rejet de ses observations. Aussi la pratique a-t-elle admis que l’administration fiscale bénéficiait pour répondre du délai de la prescription, soit 3 ans.
Bien évidemment, la réponse du fisc ne peut intervenir qu’après un examen approfondi des faits exposés par le contribuable concerné au regard des textes applicables. Néanmoins, et dès lors qu’il s’agit d’une procédure contradictoire, il est pour le moins surprenant que l’une des parties se voit contrainte par un délai et l’autre non.
À cet égard, il pourrait s’avérer indiqué, pour respecter le principe du parallélisme des formes et celui d’égalité des parties, d’instaurer un délai de réponse pour l’administration fiscale qui soit raisonnable dans le cadre des propositions de rectification, c’est-à-dire en l’occurrence identique à celui qui est imparti au contribuable.
Quitte pour cela à accroître le délai actuel de réponse de 30 jours exigé du contribuable, de sorte que l’administration fiscale dispose du temps nécessaire à un examen serein et approfondi des observations qui lui sont transmises.
En conséquence la présente proposition de loi entend, au nom de l’équité et de l’amélioration des rapports entre l’administration fiscale avec les contribuables, fixer à cette dernière un délai de réponse identique à celui imparti à ces mêmes contribuable ».
La proposition de loi déposée consiste donc (après examen par la Commission des lois), à obtenir l’approbation de l’Assemblée afin de compléter les actuelles dispositions du dernier alinéa de l’article L 57 du Livre précité, par la formule suivante : « et notifiée à l’intéressé dans un délai identique à celui qui est imparti au contribuable pour formuler ses observations ou faire connaître son acceptation », premier pas vers un nécessaire parallélisme des délais « administration/ administrés » au nom de l’équité.