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Economie Numérique: Quelle doit être la position de l’Europe face aux GAFA?

Récemment, Google a été dans le collimateur de la justice américaine pour avoir violé les lois anti-trust américaines en finançant les fabricants de smartphone et de software téléphonique à ne pas développer des moteurs de recherche pour ne pas lui concurrencer. Au mois de juin, les entreprises de la GAFA ont été auditionnées par le sénat américain pour pratiques anti-concurrentielles et exploitation des données des utilisateurs. Les autorités américaines commencent à s’intéresser de plus en plus aux géants du numérique.

Si la problématique d’abus de position et d’utilisation abusive des données par les GAFA est posée en Europe, la taxation des GAFA est l’une des axes qui préoccupe beaucoup les autorités européennes. Pendant que ces dernières croissent de 14% en moyenne chaque année, elles ne payent que 9.5% de taxes. Pourtant, les autres multinationales sont taxées jusqu’à plus de 20% dans la zone euro. La proposition d’une taxe des GAFA a même été proposée au parlement européen mais ne fit pas l’unanimité. Alors, comment l’Europe doit-elle se positionner pour contrer les pratiques abusives des GAFA ?

Qui n’utilise pas un compte Facebook pour envoyer un texto à un membre de sa famille? Qui ne se rend pas sur Google pour effectuer une recherche ? Qui n’a jamais acheté un item sur Amazon pour soi ou l’un de ses proches? Les GAFA envahissent de plus en plus notre quotidien.

Pour comprendre l’enjeu du contrôle des GAFA pour les autorités européennes , on doit pouvoir cerner la dimension de l’économie numérique dans la zone euro.

Dans un rapport de la CNUCED sur l’économie numérique en 2019, la taille du secteur est estimée entre 4.5% et 15.5% du PIB mondial. Pour ce qui est des GAFA, les géants de la technologie ont réalisé ensemble près de 900 milliards de dollars de recettes en 2019, soit plus que le PIB de quatre des pays du G20. En comparaison, les revenus de Big Tech en feraient le 18e pays le plus important en termes de PIB, devant l’Arabie saoudite et juste derrière les Pays-Bas.

La croissance de ces mastodontes technologiques est tout à fait impressionnante. Hormis, Apple qui existe depuis plus de 30 ans, les GAFA ont construit leur richesse en moins de vingt ans. Les Big Tech gagnent des milliards en capitalisant sur leurs plateformes et en développant les bases de données des utilisateurs. Ces milliards devraient continuer à augmenter grâce à la croissance et à l’adoption accrues de logiciels, à l’informatique en cloud et à la prolifération des publicités.

S’il est vrai que les GAFA réalisent d’énormes profits, ces derniers ne sont pas de bons contribuables. En Europe, ils cherchent à installer leur siège dans des pays offrant un système fiscal flexible. Certaines fois, ils minimisent leur déclaration de revenu pour ne pas payer trop d’impôt. La transnationalisation de leur activités fait que les autorités européennes ont dû mal à tracer leur activités

En 2017, le fisc français a rapporté que les GAFA ont payé seulement 43 millions d’euros. Alors que syndicat des régies publicitaires a affirmé que seulement Google avec ses 90% part de marché de publicité aurait réalisé un chiffre d’affaires de 1.8 milliards d’euros mais n’avait déclaré un chiffre d’affaires global de 325 millions d’euros.

Cet écart est aussi constaté pour les autres entreprises du GAFA dont les experts en fisc estiment que leur chiffre d’affaires serait de 3.9 milliards d’euros mais n’a déclaré 800 millions.

Difficultés à saisir les activités des GAFA

Au niveau européen il est difficile d’évaluer si les entreprises ont une position dominante, car cela dépend largement de la façon dont on définit le marché en cause. Google, par exemple, est-il en concurrence sur le marché des recettes publicitaires, des recettes publicitaires numériques ou des moteurs de recherche pour les utilisateurs ? Facebook est-il un vendeur d’espaces publicitaires ou un réseau social ? Amazon est-il un détaillant de lignes de produits individuelles, un détaillant numérique en ligne, une plateforme de marché, ou les trois ?

Une autre entrave pour contrôler les GAFA est la notion « d’établissement stable ». Cette notion profite au GAFA dont la majorité de leur activités sont réalisées virtuellement. Beaucoup d’autorités locales sont dans l’incapacité de localiser les revenus des GAFA. Elles jouent aussi sur leur caractère transnational pour échapper à certains régimes fiscaux. Ils choisissent de placer leur siège social là où le régime fiscal est avantageux.

En Europe, les GAFA choisissent l’Irlande, les Pays-Bas et Luxembourg. Ces pays sont réputés pour avoir un fisc pas trop élevé.

Le projet de la taxe GAFA en Europe

En mars 2018, l’UE a publié deux nouvelles propositions fiscales. La première est une réforme globale des règles relatives à l’impôt sur les sociétés qui permettra aux États européens de percevoir des impôts auprès des entreprises qui génèrent des bénéfices sans aucune présence physique dans leur pays, uniquement en fonction de la localisation de leurs utilisateurs cibles.

La Commission a également proposé une solution fiscale provisoire pour réglementer immédiatement les activités que le système actuel ne parvient pas à prendre en compte, telles que

-créés à partir de la vente de publicité ciblée en ligne;

-créés à partir d’activités d’intermédiation numérique qui permettent aux utilisateurs d’interagir avec d’autres utilisateurs et qui peuvent faciliter la vente de biens et de services entre eux;

-créé à partir de la vente de données générées à partir d’informations fournies par les utilisateurs;

Les activités susmentionnées sont réputées être taxées à 3 %. Baptisée “taxe GAFA” pour avoir ciblé quatre géants du numérique, Google, Apple, Facebook et Amazon, la proposition actuelle ne vise que les grandes entreprises dont le chiffre d’affaires annuel mondial s’élève à 750 millions d’euros et le chiffre d’affaires de l’UE à 50 millions d’euros. Elle contribuera à soulager les petites entreprises en phase de démarrage et de développement.

Toutefois, les réformes fiscales de l’UE doivent être soutenues par tous les États membres pour être adoptées, car la taxe nécessite le soutien des 28 États membres.

Des alternatives de taxation unilatérale

La proposition de taxer les entreprises ne font pas l’unanimité au niveau de l’Union européenne. Étant donné que les états ont un véto en matière de taxation et de fisc. Ce qui fait jusqu’à date, la taxe GAFA de l’Europe n’est pas encore appliquée. On retrouve des projets unilatéraux sur la nécessité de taxer les entreprises du numérique.

 

  • GAFA taxe en France 

La taxe sur les sociétés du numérique dont leur chiffre d’affaires est supérieure à 750 millions est connu autour de la GAFA taxe française.Elle s’applique sur les revenus de la vente de données pour la publicité ciblée, la vente de publicité ciblée en ligne et les marchés en ligne dont les revenus sont liés à la participation d’utilisateurs français.

Trois exemples illustrent ce qui serait imposable :

  1. la publicité réalisée sur les interfaces numériques. Les services ciblés correspondraient aux services d’achat, de stockage et de distribution de publicité, de contrôle de la publicité et de mesure des performances, ainsi qu’aux services de gestion et de transmission des données des utilisateurs ;
  2. la revente et la gestion de données personnelles à des fins publicitaires ;
  3. la fourniture d’une interface numérique pour permettre aux utilisateurs de plateformes d’interagir entre eux afin d’échanger des biens ou des services.
  • La taxe des services digitales (TSD) du Royaume-Uni

Le gouvernement britannique a présenté ses plans pour une taxe sur les services numériques (TSD), L’objectif est de garantir que “les entreprises numériques paient au Royaume-Uni une taxe qui reflète la valeur qu’elles tirent des utilisateurs britanniques”. La TSD appliquera donc une taxe de 2 % sur les revenus de modèles commerciaux numériques spécifiques, à savoir les moteurs de recherche, les plateformes de médias sociaux et les marchés en ligne, dont les revenus sont liés à la participation des utilisateurs britanniques.

  • La taxe Web de l’Italie 

La taxe Web  frapperait les entreprises italiennes et étrangères sur la base de deux exigences : premièrement, avoir une présence en ligne prolongée dans le pays d’au moins six mois (il s’agissait d’une autre tentative de révision de la notion d’établissement permanent telle qu’elle est actuellement définie par le droit fiscal international) ; deuxièmement, obtenir au moins 5 millions d’euros de recettes auprès des clients italiens. Un taux d’imposition de 25% s’appliquerait à ces revenus.

  • La taxe numérique de l’Espagne 

Le gouvernement espagnol a également proposé une taxe sur les services numériques prélevée sur les services de publicité en ligne, les services d’intermédiation en ligne et la vente de données collectées à partir des informations fournies par l’utilisateur. L’objectif principal de cette taxe est de “corriger l’allocation inadéquate des droits d’imposition résultant du manque de reconnaissance des règles fiscales internationales existantes concernant la contribution des utilisateurs à la création de valeur pour les entreprises dans les pays où celles-ci opèrent”.

Les sujets imposables seront les personnes morales et autres entités dont le montant net du chiffre d’affaires de l’année précédente dépasse 750 millions d’euros et dont les revenus provenant de services su

Pourquoi les taxes sur le digital n’ont pas fonctionné?

En économie, la théorie du consommateur asserte qu’une nouvelle taxe sur un marché diminue le bien-être des agents économiques et impactent particulièrement les consommateurs car les producteurs leur feront payer le prix de la taxe. En dehors de cette considération microéconomique, les mesures visant à taxer le numérique peuvent avoir d’autres effets désastreux sur le marché.

L’association des services internet communautaire (ASIC) a souligné que la taxe numérique désavantagerait les consommateurs. Ils ont rappelé que plusieurs à démontré que la taxe aurait coûté à l’économie espagnole près de 450 à 600 millions euros l’an.

Pour le Cabinet TAJ, 95% de la taxe sera payée par les clients des groupes visés. Le patron d’Amazon France a précisé que l’augmentation des taxes sur le numérique pourrait affecter plus 10 000 TPE et PME.

Un risque d’attractivité pour l’Europe

Contrairement aux effets souhaités par la taxe sur le numérique, il se peut qu’il y ait des manque à gagner en termes de recettes. L’ASIC prévoit que la taxe sur le numérique ne rapporterait que 300 millions. On sait qu’à l’instar du courbe de Laffer, l’imposition a toujours tendance à contracter l’activité économique qui aura lui-même un mauvais impact sur les revenus d’imposition.

L’Europe peut faire face à des représailles américains

Lorsque la France avait lancé la taxe GAFA, Donald Trump avait annoncé qu’il allait augmenter les tarifs sur le vin et les produits de luxe Français. Les exportations allemandes vers les USA  sont aussi ciblées au cas où l’Europe imposait des taxes sur les entreprises numériques américaines. Des négociations devraient être entamées au sommet du G7 mais la rencontre n’a pas eu lieu à cause du coronavirus.

Actions à entreprendre 

Si dans le fond la taxe sur le GAFA n’est pas une si mauvaise mesure mais la position des GAFA sur le marché leur donne une marge de manœuvre assez importante pour répercuter la taxe sur les consommateurs. Nous proposons quatre éléments qui pourraient aider l’Europe à contenir les GAFA et rétablir la compétition.

1-Définir des politiques de contrôle sur la façon dont les GAFA gère les données des utilisateurs

2-Empêcher au GAFA de se fusionner ou d’acheter des start-ups prometteuses en Europe

3-Promouvoir des structures de recherche et de développement pouvant donner lieu à des entreprises numériques compétitives à l’avenir

4-Combattre l’évasion fiscale des GAFA

De ce qui ressort de notre présentation, nous avons vu que l’Europe doit se positionner au plus vite contre les GAFA. Nous avons aussi vu qu’à la volonté d’agir vite, l’Europe puisse mal agir. Les actions de l’Europe doivent être calculées, réfléchies et prises collectivement. Jusqu’à présent, les mesures unilatérales sont sujettes à des tensions et contraires aux traités internationaux. Alors, seule la collaboration européenne pourra vraiment aider à contenir la puissance des GAFA.

 

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Laura Dubois Editrice Senior

Laura Dubois Editrice Senior

Laura est éditrice de contenus pour Actufinance. Elle participe activement à la stratégie éditoriale du site, en collaboration étroite et quotidienne avec l’équipe des rédacteurs du site. Dans un premier temps, Laura a étudié les sciences politiques au collège universitaire de Sciences Po Reims, où elle obtient un Bachelor. Elle a ensuite mis le cap sur la Californie pour une année d'échange à la University of California, Santa Barbara (UCSB), où elle découvre le marketing digital. Puis, après un Master en Communications à Sciences Po Paris et plusieurs stages entre Paris et Marseille, Laura s’oriente vers le SEO et le marketing digital. Son VIE (Volontariat International en Entreprise) à Madrid lui permet ensuite d'acquérir des compétences plus poussées dans ces domaines, si bien qu'elle rejoint Actufinance en 2020. Laura est maintenant en charge des contenus des sites francophones de son entreprise.

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