Il va de soi, cher(s) lecteurs(s) que nous n’aborderons pas ici les « motivations techniques fiscales » possibles, car la fiscalité étant un domaine tellement complexe et vaste, il faudrait y consacrer un volume entier, voire plusieurs !
Pour autant, toute personne douée de « raison », d’un minimum de « bon sens » et de « capacité d’observation », peut fort bien, sans même avoir à avancer « quelque référence fiscale » que ce soit, « déjouer » presque n’importe quelle procédure de rectification.
Cet article est la seconde partie de notre article Quelles sont les démarches utiles à exercer, en cas de “proposition de rectification” du Fisc ? Comment établir une “réclamation” contentieuse devant l’administration fiscale ?
Etre attentif(s) à certains détails…
Mon expérience me prouve qu’à partir de simples « observations » et de simples réflexions de « bon sens » il est déjà possible de mettre en évidence un certain nombre de « maladresses » et d’ « incohérences » dans les « propositions de rectification n° 2120-SD » des services fiscaux.
sur la « forme »…
Vous serez particulièrement « attentifs » à la « forme » : une proposition de rectification n° 2120-SD doit au minimum :
Vous parvenir en recommandé avec accusé de réception.
C’est à l’administration fiscale que revient la tâche de prouver que vous avez bien reçu le pli postal en temps opportun !
Bien sûr, en votre absence, un « avis de passage » aura dû être déposé dans votre boîte aux lettres, et vous aurez dû aller à La Poste le retirer (dans un certain délai, mentionné), sinon ce serait à vous d’établir la preuve de sa non-réception !
Contenir les mentions obligatoires pré-imprimées en première page.
En général : aucun problème là-dessus, le nombre de « pages », ou de « feuillets », être « paginée », datée, signée et porter le grade de l’agent signataire, puis mentionner sous quelle procédure est établie la proposition de rectification, quels sont ses « motifs » ou « moyens », citer l’année ou les années concernée(s), détailler le calcul de la rectification, faire état in fine des « conséquences financières », y compris en matière de pénalités, de ladite rectification.
Si toutes ces énonciations figurent dans le document, ce dernier est régulièrement établi et a pour effet d’interrompre la prescription fiscale : en règle générale et pour simplifier : 3 ans. Ex : 2120-SD notifiée en 2019 pour l’année 2016 : prescription interrompue jusqu’au 31 décembre 2022.
Vous regarderez le « nombre de pages », ou le « nombre de feuillets » annoncé.
Il n’est pas rare en effet que les Impôts confondent « page » et « feuille ».
Nul n’oblige à écrire « recto-verso », aussi, lorsqu’il est annoncé « ce document comporte 6 feuilles y compris la présente», vous êtes en droit, a minima si le « verso » n’est pas utilisé, de dénombrer 6 pages de texte format A4, ou encore si le « verso » est utilisé, de 11 à 12 pages de texte A4 !
Si vous n’avez ni l’un ni l’autre, vous pourrez arguer d’un « vice de forme » altérant la crédibilité et la compréhension de la proposition de rectification, et de l’omission possible d’annexes, pour demander l’annulation pure et simple de celle-ci !
Attention : l’administration peut alors très bien dégrever « séance tenante », puis re-notifier par une 2120-SD « annulant et remplaçant la précédente en date du–/–/2019 », tant que le délai de prescription court !
mais aussi, sur le « fond »…
Vous regarderez ensuite ce que contient la « motivation » de cette 2120-SD :
Il n’est pas rare non plus que les services fiscaux, sur une même « thématique de redressements », procède à des « redressements en série » et agisse par « copier-coller » de « pans entiers » de textes de « motivation », et il arrive qu’ils copient ainsi des « données » qui n’ont aucun rapport avec votre situation, mais qui concernent quelqu’un d’autre !
Vous pourrez soulever ce « vice » sur le « fond », considérant que, n’étant pas concernés par l’argumentaire qui y figure, vous n’avez donc pas à y répondre si ce n’est qu’à demander de facto la « décharge pure et simple » de l’imposition !
Vous serez attentif(s) aux « contradictions possibles » de l’administration :
Il n’est pas rare en effet que les services fiscaux et sans même s’en rendre compte, affirment « tout et son contraire », soit en l’espace de quelques lignes seulement, soit en début de texte puis en cours ou vers la fin de la « motivation » !
Encore là, une occasion de démontrer l’incohérence des propos et leur manque total de « pertinence », pour demander l’annulation de la rectification !
Vous serez particulièrement vigilant(s) sur les questions faisant appel au « sens commun » !
Souvent les redressements ont certes une « base juridique fiscale », mais qui repose sur des « faits » ou des « situations de fait ».
Lisez attentivement la « motivation » du service, et voyez ce qui, dans son raisonnement, est contraire à la « logique », à un moment donné !
Pour ce faire, essayez de « renverser la situation décrite dans la 2120-SD », ou posez-vous des questions comme « et si, au lieu de….Il s’était agi de…», et vous verrez que souvent, la motivation (souvent « toute faite et stéréotypée) du service se retrouve à un moment ou un autre en « porte-à-faux »…
Vous pourrez exploiter cette situation pour « démonter » tout un « raisonnement », et demander au final l’annulation de l’imposition, pour rectification non fondée.
Faire attention à la « charge de la preuve »…
De quoi s’agit-il ? Cela consiste à savoir « qui » – de l’administration fiscale ou du contribuable – supporte la « charge d’apporter la preuve » !
En procédure « contradictoire » uniquement (article L 55 à L 61 du Livre des Procédures Fiscales) mention qui figure en-tête de la seconde page de la 2120-SD, c’est à l’administration fiscale, qui « entend remettre en cause tel ou tel élément de votre déclaration de revenus, qu’appartient généralement cette « charge de la preuve ».
Il est cependant des exceptions, où la preuve n’est a priori pas plus à l’administration qu’au contribuable, comme lorsque la « preuve » est considérée comme étant impossible à apporter par l’une des parties, et en matière de « réductions » ou « crédits d’impôt », où c’est même au bénéficiaire d’un « crédit ou réduction d’impôt », de supporter cette« charge de la preuve » :
C’est ce que la jurisprudence a consacré sous le nom de la « preuve objective », et lorsque le litige est porté devant la juridiction administrative de premier niveau (tribunaux administratifs), c’est le juge qui décide souverainement de « qui » supportait effectivement cette « charge de la preuve ».
Une « preuve objective » à surveiller de près…
En effet, l’expérience montre là aussi que cette « preuve objective » consacrée par une certaine jurisprudence, est très vite « passée dans les mœurs » pour l’administration fiscale, qui se l’est vite « appropriée », et qui a tendance à la considérer comme étant un « blanc-seing » lui permettant de « redresser » d’emblée n’importe quel bénéficiaire d’une réduction ou d’un crédit d’impôt, avant-même que celui-ci n’ait eu le loisir de justifier de ce crédit ou de cette réduction d’impôt !
Il ne faut pas perdre de vue que le « système déclaratif français» depuis plusieurs années maintenant, et même à l’époque où la déclaration se faisait exclusivement en version « papier » – a fortiori de nos jours, où la « télé-déclaration en ligne va se généraliser – ne permet plus que soient joints à la déclaration de revenus quelque justificatif de réduction ou crédit d’impôt, que ce soit, ou de dépense quelle qu’elle soit !
Il faut donc d’abord que l’administration fiscale qui entend remettre en cause une « réduction ou un crédit d’impôt », demande par écrit au contribuable, qu’il lui adresse le ou les justificatifs de cette « réduction ou crédit d’impôt » !
Si elle ne le fait pas, et qu’elle rejette d’emblée votre « réduction » ou « crédit » d’impôt par sa 2120-SD, elle écarte ipso facto la « preuve objective », en s’attribuant à elle-même la « charge de la preuve » !
Ce sera donc à elle seule, dans sa 2120-SD, d’apporter concrètement la « preuve » (que vous ne remplissez pas les conditions pour bénéficier de tel crédit d’impôt, par exemple !).
Si dans ce dernier cas de figure, la « motivation » s’avère erronée, ou non probante, l’administration fiscale supportera cette « charge de la preuve » jusque dans sa « réponse à vos observations » n° 3926-SD ou –TSD, dans la mesure évidemment où vos observations seront « étayées » et ne consisteront pas en de simples « divagations sans aucun intérêt ni aucune portée juridique et fiscale », et même jusque devant le juge de l’impôt, si le litige parvient au tribunal administratif !
Justement, dans un prochain article, nous verrons ce qu’est une procédure devant les tribunaux administratifs ! A suivre donc…