Sur la pression constante de l’artisanat, qui n’a cessé depuis l’instauration par l’ancien ministre Novelly, de ce régime de micro-entreprise appelé auto-entreprise, y voyant une concurrence déloyale évidente, les auto-entrepreneurs étant soumis à moins de contraintes et aussi globalement moins d’impôts que les artisans, nos ministres des Finances (Michel Sapin) et de l’Economie (Emmanuel Macron) rivalisent d’idées pour réformer pour la énième fois le régime des micro-entrepreneurs.
La pertinence, à la fois des opposants de toujours à ce régime, comme des décisions que s’apprêtent à prendre les deux ministres pour les auto-entrepreneurs, est à la mesure de la justesse d’appréciation de la situation « sur le terrain » pourrait-on dire, et des effets escomptés des « mesures » envisagées, dont il n’est même pas encore certain qu’elles satisferont cette fois l’artisanat !
Une vision totalement faussée de la réalité du « terrain »…
En effet, les artisans pourraient être comparés à ceux qui crient « au feu » alors qu’il n’y a aucun danger à redouter. S’ils étudiaient de près les données statistiques de l’activité globale des auto-entrepreneurs, ils sauraient qu’ils ne craignent pas grand-chose d’eux, lorsqu’on sait par exemple que, sur les quelques 900 000 auto-entreprises qui se sont créées, seule déjà la moitié dégage un chiffre d’affaire annuel, toutefois de loin inférieur aux limites-plafond initiales, l’autre moitié (environ 450 000) n’enregistrent hélas aucune activité depuis leur création. C’est que l’on ne s’improvise pas entrepreneur comme ça, fut-ce « auto-entrepreneur » !
Même si les formalités sont simplifiées, il faut surtout se faire connaître pour se constituer une clientèle, fidéliser ensuite celle-ci, ce qui suppose, si l’on ne possède pas internet, de payer des publicités, dans les journaux locaux, les magazines, de faire imprimer et distribuer des tracts, et affiches, de faire jouer au maximum le « bouche à oreille », et si l’on peut se servir de la Toile, constituer (ou le faire faire par un spécialiste, ce qui au départ a un coût assez élevé), un site web bien conçu, attirant, d’allure professionnelle, mis à jour régulièrement, notamment au niveau du contenu, bien référencé dans les annuaires professionnels mais aussi ne possédant pas d’erreurs de syntaxe de programmation pénalisantes, notamment vis-à-vis des robots de Google, tout ce qui fait que démarrer une activité ainsi, de « zéro », est très loin d’être chose évidente ! En fait, nombreux sont les auto-entrepreneurs retraités, qui ont choisi ce statut pour une petite activité complémentaire, cherchant ainsi à améliorer le niveau de leurs petites retraites, mais sans grand succès.
Il n’est par ailleurs pas du tout certain que l’existence juridique du statut d’auto-entrepreneur ait totalement résolu, comme c’était aussi l’intention dans la « loi Novelly », le problème du travail « au noir », aucune étude n’ayant été effectuée sur le sujet, et les artisans seraient bien inspirés de s’inquiéter de la persistance de cette « économie souterraine » qui vraiment, elle, leur porte un sérieux préjudice, car seulement 900 000 auto-entreprises créées depuis la création de ce statut, ça semble bien peu !…
Quant à la moitié qui parvient à dégager un chiffre d’affaires annuel, en 2015 ce dernier était en moyenne de… 6 000 € ! S’agissant d’une moyenne, cela signifie que quelques auto-entrepreneurs ont déclaré un chiffre approchant les 32 900 € (prestataires de services) tandis que d’autres ne déclaraient que… 500 € par exemple !
Autre illusion, celle de Bercy, qui croit voir dans ce statut, un « gisement d’emplois » !… Si le problème du chômage n’était pas si crucial, cela prêterait à rire !
De nouvelles mesures, inefficaces par avance…
Afin de répondre au lobby des artisans, nos deux ministres se sont en effet entendus, sur un assouplissement provisoire de deux ans, au profit des auto-entrepreneurs, qui leur permettrait sans perdre les avantages actuels liés à leur statut, d’exceptionnellement pouvoir doubler leur chiffre d’affaires, par le doublement des limites-plafond, soit alors 65 800 € pour un prestataire de services, et 164 400 € pour l’activité de ventes. Officiellement, c’est, pour E. Macron, « pour limiter la peur de croître ou d’embaucher de certaines micro-entreprises »… ; quant à M. Sapin, ce serait pour « gomme ce qu’on appelle les effets de seuil »…
Cela semble a priori devoir être tout aussi efficace que l’est dans un autre domaine, le doublement des montants limites de dépôts sur les livrets A, tandis qu’on ne touche pas au taux de rémunération, et même qu’on le diminue ! On voit mal en effet en quoi, le fait de pouvoir réaliser un chiffre d’affaires annuel proche de 65 800 € pour certains, et de 164 400 € pour d’autres, va fondamentalement améliorer le sort des quelques 450 000 auto-entrepreneurs qui peinent à se commencer un début de clientèle, ou qui n’en ont aucune, ni en quoi ceux qui déclaraient un peu de chiffre d’affaires verront subitement, par la grâce de cette « mesure », le nombre de leurs clients, ou de leurs commandes, doubler comme par magie !
Il est en outre prévu, au programme de la prochaine loi de finances, d’ajouter à cette « mesure », l’ encadrement du stage préalable à l’installation et la suppression du double compte bancaire pour les micro-entrepreneurs.
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