Donald Trump, qui incarne le président le plus critiqué de tous les temps, a prêté serment vendredi à Washington et est devenu le 45e président des Etats-Unis. Bien que son côté impulsif et tempétueux se soit calmé depuis sa nomination à la Maison Blanche, il reste tout de même un personnage instable et imprévisible que beaucoup craignent. Ses décisions impacteront fortement les relations des grandes puissances de ce monde.
Les investisseurs ont décidé de se concentrer davantage sur les bienfaits de son programme économique. Ses réductions d’impôt et son plan d’investissement massif dans l’infrastructure devraient booster la croissance américaine et la consommation des ménages. Mais cela devrait également faire progresser l’inflation plus vite que précédemment anticipé et influencer les décisions de politique monétaire de la Réserve Fédérale américaine – la FED.
Pourquoi la Réserve Fédérale prévoit-elle de relever ses taux d’intérêt plus rapidement que prévu ? A quel point les politiques économiques de Trump peuvent-elles influencer le coût de l’emprunt aux Etats-Unis ? La FED peut-elle faire marche arrière et baisser de nouveau ses taux ?
Comprendre les objectifs de la FED
Pour mieux comprendre la relation entre les décisions de Trump et celles de la FED, il est nécessaire de revenir sur les objectifs de la banque centrale américaine. La FED a un double mandat de plein emploi et de stabilité des prix.
Le marché du travail aux USA
Selon la FED, le plein emploi caractérise une situation du travail avec un taux de chômage médian de 4,8%. Le marché du travail semble tourner à plein régime aux Etats-Unis. Les créations d’emplois mensuelles moyennes ont été de 165 000 sur les 3 derniers mois et le taux de chômage a atteint 4,7% en décembre 2016.
Mais n’oublions pas que le taux de chômage ne regroupe que les personnes sans emploi qui en recherchent activement un. Nous pouvons donc deviner que le nombre réel des personnes sans travail est plus élevé que le taux officiel.
Par exemple, tous les travailleurs découragés ne sont pas pris en compte, ni les travailleurs qui acceptent un emploi à temps partiel tout en cherchant un emploi à temps plein. De nombreux membres de la FED ont souvent mentionné une certaine « atonie » du marché du travail américain car la main-d’œuvre reste sous-utilisée.
Le problème est donc de penser que le taux de chômage est l’indicateur parfait pour évaluer la santé d’une économie donnée. Si tout le monde décide de démissionner et que personne ne cherche un nouvel emploi, alors le taux de chômage pourrait attendre zéro. Est-ce pourtant quelque chose de positif ?
Il faut donc aller plus loin et réfléchir aux raisons pour lesquelles les gens ne cherchent pas d’emploi. Peut-être n’y a-t-il pas assez de travail ? Pourquoi est-il si difficile d’en trouver ? Est-ce que cette situation va durer ? Que pourra faire Trump pour changer cela ?
L’inflation aux Etats-Unis
En ce qui concerne l’inflation, l’objectif de la FED est un indice des prix à la consommation (Personal Consumption Expenditure, ou indice PCE) de 2%. Ce pourcentage est censé caractériser une économie saine, mais il n’a pas été atteint depuis plus de 8 ans.
L’inflation reste donc faible aux Etats-Unis avec très peu de signes de pressions inflationnistes – comme partout ailleurs dans le monde. Selon les dernières projections de la FED, l’inflation annuelle devrait atteindre 1,9% l’année prochaine et 2% en 2018. En novembre 2016, elle était de 1,4%. Le chiffre de décembre sera publié fin janvier.
La future politique économique de Trump devrait accélérer la hausse généralisée des prix ce qui devrait pousser l’indice PCE vers l’objectif de la FED. Comment ? Quelles conséquences sur l’économie américaine ? Quelles influences sur les décisions de la FED ?
L’administration Trump et les taux Fed Funds
« A compter de ce jour, une nouvelle vision va gouverner notre pays. Ce sera l’Amérique d’abord »
Extrait du discours d’investiture de Donald Trump.
Cette phrase résume bien la politique commerciale protectionniste que Trump veut mettre en place : il souhaite favoriser la production et l’achat de biens américains. Dans son programme, il a par exemple prévu d’instaurer des droits de douane sur les produits mexicains (35%) et chinois (45%) et de revoir les nombreux accords économiques (comme le TPP ou l’ALENA).
Selon les chiffres de décembre 2016, les États-Unis importent par an environ 500 milliards de dollars de biens en provenance de la Chine et 300 milliards en provenance du Mexique. Ce protectionnisme pourrait donc conduire à une inflation plus élevée.
Il existe plusieurs raisons derrière l’augmentation des prix. L’une d’elles suppose que les entreprises peuvent augmenter leurs prix de vente final si leurs coûts de production augmentent (prix des biens intermédiaires ou salaires plus élevés par exemple). Les droits de douanes pourraient donc augmenter le prix de ces importations qui rendront ainsi les coûts de production de certains produits plus chers.
« Nous allons suivre deux règles simples : acheter américain, embaucher américain »
Extrait du discours d’investiture de Donald Trump.
Cette phrase montre l’importance qu’il veut accorder à l’emploi et à la consommation des produits américains ce qui pourrait booster l’emploi américain car les entreprises seraient tentées de moins externaliser certains de leurs services. Surtout que Trump prévoit d’offrir un environnement plus avantageux pour les entreprises comme la diminution des l’impôt sur les sociétés (15% contre 35%) ou la faible taxe de rapatriement des profits détenus à l’étranger.
Ici peuvent apparaître des pressions inflationnistes sur les salaires, et nous revenons à la 1e raison de l’inflation citée plus haut : des salaires qui augmentent, des coûts de production plus élevés, un prix de vente final au consommateur qui monte pour que l’entreprise conserve sa marge.
Il y a ici une autre raison pour laquelle les prix pourrait augmenter : si les salaires augmentent, alors les employés ont plus d’argent qu’ils peuvent dépenser, investir ou épargner. Si les dépenses augmentent, alors la demande pour certains biens pourrait augmenter plus rapidement que l’offre. Si l’entreprise décide de ne pas augmenter sa production, alors les prix augmenteront car certains biens deviendraient plus rares. Les dépenses pourraient également augmenter avec les réductions d’impôt et la baisse des taxes que Trump prévoit pour les individus.
Il existe toujours une « incertitude considérable sur le calendrier, la taille et la composition de toute future initiative fiscale et d’autres initiatives de politique économique »
Extrait du compte-rendu de la FED.
Bien qu’il soit difficile de faire des prévisions économiques sous l’administration Trump, nous nous rendons maintenant bien compte des raisons pour lesquelles la FED pourrait augmenter ses taux Fed Funds.
Avec l’augmentation de l’inflation et plus de travail pour les américains, les objectifs de la FED pourraient être atteints plus rapidement – notamment en ce qui concerne l’inflation. La FED pourrait donc être poussé d’augmenter ses taux Fed Funds, actuellement compris entre 0,50% et 0,75%, pour éviter une surchauffe de l’économie.
Il faudra surveiller ce que Trump va mettre en place pendant les 100 prochains jours car il a annoncé vouloir prendre de nombreuses décisions pendant les 100 premiers jours de son mandat. Chaque décision va impacter les différentes classes d’actifs en fonction des conséquences sur les échanges du monde avec les Etats-Unis, les investissements, la croissance, l’inflation et l’emploi. Tout cela affectera les projections de la FED concernant l’évolution de la croissance américaine, de la situation de l’emploi et des prix, ce qui va forcement changer la trajectoire de la remontée des taux américains.
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