Un court article de Laurent Telo paru dans le M Le Magazine du Monde du 15 novembre 2014 évoque les « Paroles des Patrons », ces Présidents du CNPF puis du MEDEF au verbe haut, provocateurs par emploi sinon par goût. Il nous remet en mémoire les aphorismes à l’humour « vermotesque » que prisait le père du fils, j’ai nommé Yvon Gattaz, Président du CNPF de 1981 à 1986. Ce dernier dénommait ainsi sans fausse modestie ses « gattazismes » dont il parsemait abondamment discours officiels et dîners en ville, au grand dam de certains, ses pairs du CNPF, les politiciens et les syndicalistes, et à la grande joie de certains, également chefs d’entreprise, politiciens et syndicalistes. Les âmes effarouchées sont légion au bal des hypocrites.
En fait, Yvon Gattaz s’enorgueillissait d’une noble ambition : mettre de l’humour dans le sérieux en toute entreprise. Il voulait pourfendre les sots, les pisse-froid, les chafouins, les chagrineux qui prennent un air de grande gravité dès le seuil franchi d’une salle de réunion ou d’un conseil d’administration : « Malheur à ceux qui, dans un implacable avilissement séquentiel, prennent le mot d’esprit pour un jeu de mots, un jeu de mots pour un calembour et le calembour pour une plaisanterie de garçon de bain ». Dans son livre paru en 2006 sous le titre « Mes vies d’entrepreneur » (Fayard), dont on a extrait cette formule, Yvon Gattaz s’insurge aussi contre ceux qui ont rabaissé ses gattazismes en parlant tantôt de « gattazeries » (Jean-Pierre Prouteau, Secrétaire d’Etat aux PME, en 1978) – la terminaison en « ies » lui paraissant plus péjorative que celle en « ismes », aux vertus théorisantes-, ou pire, les « gattazinades », terme employé en 2003 par Jean-Pierre Raffarin, et qui lui rappelait trop sans doute la dérision des «mazzarinades».
Mais je sens l’impatience du lecteur grandir ! Que sont donc ces gattazismes que deux paragraphes n’ont pas encore permis de décrire… Eh bien, en voilà quelques unes : «Le malheur est dans le prêt», Un kilogramme d’abeilles est plus efficace qu’un kilogramme d’éléphant», « Pour les véritables hommes d’action, l’action est une obligation» (cités par Bernard Giroux, « Medef, confidences d’un apparatchik », l’Archipel, 2013), « Pour créer une entreprise, il suffit d’avoir 10 % de finances, 10% de compétences, 40 % de vaillance, 40% d’inconscience» (confer l’article de Wikipédia sur Gattaz), «Pour la succession des entreprises familiales les patrons se partagent en deux catégories : ceux qui croient que le génie est héréditaire et ceux qui n’ont pas d’enfants » (au cours d’un entretien accordé à France Culture, rapporté par le Site internet Dicocitations), «Il est indispensable d’espérer pour entreprendre», et enfin l’aphorisme le plus célèbre, certainement, dont la trace est pour moi incertaine comme l’est celle du précédent : «Tout salaire mérite travail». C’est aussi le gattazisme qui a soulevé le plus de polémiques…
Encore un dernier trait, la définition du CNPF selon Gattaz : «Ce n’Est Pas Facile !» (Bernard Giroux). Il est permis de penser que Pierre le fils, présentement à la tête du principal syndicat patronal, rumine parfois, entre provocations et gaffes plus ou moins calculées, sur le sens à donner à l’acronyme MEDEF. « Mes Entreprises Délocalisent Et Ferment», pourrait hélas convenir !