Accueil Brexit : le« no deal » est-il un choix stratégique ou un mauvais calcul des dirigeants britanniques ?
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Brexit : le« no deal » est-il un choix stratégique ou un mauvais calcul des dirigeants britanniques ?

Après le référendum lancé par les britanniques pour sortir de l’UE en juin 2016, c’est le 31 janvier 2020 que le Royaume-Uni a officiellement trouvé gain de cause du Brexit. Les britanniques ont jusqu’au 31 décembre pour trouver un accord avec l’UE pour l’après Brexit. Pour l’instant, l’état d’avancement des négociations est un peu inquiétant au point où certains observateurs se questionnent sur la volonté de Boris à trouver ce « deal » avec l’UE. Le « no deal » serait-il un choix stratégique pour le Royaume-Uni ?

Dans un rapport de l’OCDE sur l’impact économique de la crise sanitaire, l’économie britannique est celle parmi le monde développé dont les effets seraient plus conséquents. Selon l’OCDE, le PIB britannique chutera de 11.5% à la fin de l’année. Des chiffres qui sont nettement supérieurs par rapport aux USA dont la baisse du PIB serait de 7.3%, de l’Allemagne 6.6%, de la France 11.4%, de l’Espagne 11.1% et de l’Italie 11.3%.

Au mois de Juin, le nombre de demandeurs d’emplois a passé de 1,6 millions pour atteindre 2.8 millions ; le niveau de chômage le plus élevé depuis 1993 et 1.2% de plus depuis la récession de 2008. La hausse du chômage s’est également accompagnée d’un effondrement des offres d’emploi d’environ 800 000 avant la crise du coronavirus à seulement 320 000 selon les estimations pour le mois de mai. Si l’on ajoute à cela les données sur le chômage, cela signifie qu’il y a maintenant 8,5 chômeurs en concurrence pour chaque offre d’emploi, contre seulement 1,5 avant le début de la crise.

Le Royaume-Uni enregistre près de 43 759 morts ; le pire bilan sur le continent Européen. La gestion calamiteuse du Coronavirus par les autorités britanniques est la résultante d’un tel bilan.  On estime à 12,5 millions le nombre de personnes qui déclarent que leur foyer a été touché financièrement par les effets du coronavirus (COVID-19), une proportion similaire à celle du début de la période de confinement.

Si le Covid a eu des impacts considérables sur l’économie anglaise, une sortie sans accord pourrait s’avérer encore plus catastrophique pour les anglais. Des experts, qui ont analysé les effets du commerce avec l’UE sur les conditions de l’OMC, ont montré qu’après 10 ans, un no deal réduirait le PIB par habitant du Royaume-Uni de 3,5% à 8,7%.

Quoique les analystes sont pessimistes à l’égard d’un « no deal », le ministre britannique, Boris Jhonson invite son peuple à se préparer pour un Brexit sans accord. Deux mois avant la fin de l’échéancier du deal, le gouvernement joue-t-il la carte de la montre pour ne pas avoir un accord ? Les britanniques ont-ils intérêt à ne pas avoir un deal avec l’UE ?

Un accord à l’Australienne

Le premier ministre britannique a déclaré face à l’intransigeance de l’UE, le Royaume-Uni se voit d’adopter le modèle de négociation australienne plutôt que celui du Canada.

« Si nous ne parvenons pas à nous mettre d’accord d’ici le conseil européen du 15 octobre … Je ne pense pas qu’il y aura un accord de libre-échange entre nous, et nous devrions tous deux l’accepter et aller de l’avant. Nous aurons alors un accord commercial avec l’UE comme celui de l’Australie. »

L’UE a conclu avec le Canada un accord commercial appelé “accord économique et commercial global” (AECG). L’accord AECG s’en rapproche : 98 % des produits sont exempts de droits de douane, mais ils le restent pour la volaille, la viande et les œufs, par exemple. Des contingents sont également maintenus pour certains produits.

La notion de Brexit “à l’australienne” a été utilisée dans le discours du Premier ministre Boris Johnson à Greenwich en février 2020. Dans ce discours, M. Johnson a déclaré : “Le choix n’est absolument pas “deal ou no-deal” … La question est de savoir si nous acceptons une relation commerciale avec l’UE comparable à celle du Canada – ou plus proche de celle de l’Australie”.

Pour dire les choses simplement, choisir un accord de type “Australie”, c’est entrer dans les conditions commerciales de l’OMC et sortir de la période de transition avec un cadre limité qui repose essentiellement sur la bonne volonté. Mais si le Royaume-Uni devait adopter un accord de type “Australie” c’est-à-dire faire du commerce selon les conditions de l’OMC, il y aurait des droits de douane sur les marchandises entrant et sortant du Royaume-Uni.

Les couts économiques du « no deal » pour la Grande Bretagne

Un rapport de la London School of Economics a montré que le cout d’un Brexit sans accord pourrait être deux fois plus couteux que l’impact du Corona Virus. A long terme, le cout économique se situerait à 8% du PIB, soit 160 milliards de livres sterling ce qui fera un cout de 2400 livres par britannique.

Les chaînes d’approvisionnement britanniques sont confrontées à une charge annuelle supplémentaire de 15 milliards de livres sterling (18,5 milliards de dollars US) en cas d’absence de marché Brexit, selon de nouvelles estimations gouvernementales publiées aujourd’hui qui ne prennent en compte que le coût administratif supplémentaire lié à l’établissement des déclarations douanières d’importation et d’exportation pour les mouvements de marchandises entre le Royaume-Uni et l’UE.

Voyons la répartition sectorielle du « no deal »:

  • Droits de douane à l’exportation

Les exportateurs britanniques seront confrontés à des droits de douane moyens de 4.1% mais pour les automobilistes, ils pourraient atteindre 7 à 10%. On prévoit la délocalisation de géants de la construction mécanique, des produits chimiques et de l’automobile vers le marché unique de l’UE pour éviter les droits de douane à l’exportation.

  • Droits de douane à l’importation

S’il est vrai que les droits de douanes à l’importation augmenteraient les recettes du gouvernement. Toutefois, cela entraînerait une hausse des prix pour les consommateurs. L’analyse du GMB indique qu’il pourrait augmenter le prix des achats alimentaires de 15,61 £ par semaine.

  • Effet sur la monnaie de la Grande Bretagne

Depuis le référendum en 2016, la livre sterling s’est dépréciée de 10 à 15 %. Une sortie sans accord pourrait entraîner une nouvelle baisse de la livre sterling, les investisseurs considérant le Royaume-Uni comme un pays moins attrayant pour investir et épargner de l’argent. La Banque d’Angleterre prévoit que la livre sterling pourrait chuter de 10 %, voire plus, dans le pire des cas.

Une nouvelle dépréciation de la livre sterling exercerait une pression à la hausse sur les prix des importations et contribuerait à l’inflation importée et à la baisse du niveau de vie. Il serait également plus difficile pour la Banque d’Angleterre de réduire les taux d’intérêt en cas de ralentissement.

  • Balance des paiements

Le Royaume-Uni connaît un déficit courant important, qui est actuellement financé par des entrées de capitaux. Une sortie sans accord rendrait plus difficile l’attraction de ces entrées de capitaux, ce qui entraînerait une pression à la baisse sur la livre sterling jusqu’à ce que le déficit des comptes courants diminue.

Les avantages de la stratégie du “no deal”

Le choix du « no deal » est stratégique puisqu’il comporte de nombreux avantages pour l’économie britannique. Au niveau de la pêche, d’après les estimations de Napier, la production dans ce secteur pourrait augmenter de 700 à 800 millions de livres sterling par an, ce qui permettra de compenser un tiers des pertes commerciales avec l’UE.

Au cours des trois dernières années, les contributions nettes à l’UE ont totalisé 10 milliards de livres sterling par an, soit environ 0,5 % du PIB du Royaume-Uni. Le seul fait de mettre fin à ces paiements annule essentiellement les éventuelles pertes liées au commerce.

L’union européenne impose des droits de douane suffisamment élevés de 6 à 8% sur les denrées alimentaires et les produits d’habillement. Les recettes tarifaires provenant de l’habillement sont de l’ordre d’un milliard. Mais des études ont prouvé avec la suppression des droits ou une baisse vers 3%, les consommateurs qui en général dépenses 82 milliards dans l’habillement pourraient économiser 2.5 milliards de livres sterling.

Une politique d’immigration ciblée pourrait permettre au Royaume-Uni de conserver les avantages fiscaux que lui procurent les immigrants hautement qualifiés tout en réduisant la charge associée aux personnes moins qualifiées. Le Comité consultatif sur les migrations suggère que le seuil de rentabilité fiscale pour les immigrants de l’EEE est un salaire d’environ 30 000 livres sterling par an, tandis que les chiffres du gouvernement suggèrent que les prestations versées aux ressortissants de l’EEE s’élèvent à environ 1,6 milliard de livres sterling par an. Ce dernier chiffre pourrait être réduit à près de zéro par des règles d’immigration appropriées.

Une évaluation par l’UE des avantages de la conclusion d’accords de libre-échange avec une série de pays tiers, dont les États-Unis et les économies asiatiques, a suggéré que ces accords pourraient accroître le PIB de l’UE de 1,2 % et jusqu’à 2 % si les effets sur la productivité sont autorisés. Pour le seul Royaume-Uni, cela représenterait un gain annuel de 25 à 40 milliards de livres sterling en termes de PIB. Mais les chiffres pourraient facilement être plus élevés pour le Royaume-Uni en raison de l’accroissement des échanges commerciaux du Royaume-Uni avec les pays tiers.

 

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Laura Dubois Editrice Senior

Laura Dubois Editrice Senior

Laura est éditrice de contenus pour Actufinance. Elle participe activement à la stratégie éditoriale du site, en collaboration étroite et quotidienne avec l’équipe des rédacteurs du site. Dans un premier temps, Laura a étudié les sciences politiques au collège universitaire de Sciences Po Reims, où elle obtient un Bachelor. Elle a ensuite mis le cap sur la Californie pour une année d'échange à la University of California, Santa Barbara (UCSB), où elle découvre le marketing digital. Puis, après un Master en Communications à Sciences Po Paris et plusieurs stages entre Paris et Marseille, Laura s’oriente vers le SEO et le marketing digital. Son VIE (Volontariat International en Entreprise) à Madrid lui permet ensuite d'acquérir des compétences plus poussées dans ces domaines, si bien qu'elle rejoint Actufinance en 2020. Laura est maintenant en charge des contenus des sites francophones de son entreprise.

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