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Economie : Vers une consolidation de tous les secteurs ?

Lors de chaque crise, qu’elle soit financière, bancaire ou sanitaire, la tendance à la consolidation des secteurs revient rapidement à l’ordre du jour. Parce que la crise apporte inéluctablement son lot d’incertitudes, de nombreux secteurs et de nombreux acteurs ne pensent qu’à grossir afin de minimiser et d’amortir les chocs. D’autres acteurs, par l’ampleur et la durée de la crise sont d’ores et déjà condamnés à mettre la clé sous la porte, diminuant le nombre d’acteurs sur un marché et accentuant encore un peu plus le phénomène de consolidation.

Qu’en est-il réellement ? Dans quelle mesure la récente crise sanitaire mondiale a redistribuée les cartes ? Y’a t’il des intérêts inéluctables à la fusion ? Quels en sont les principaux risques, et qu’en est il du point de vue du consommateur ? C’est à toutes ces grandes questions que nous allons tâcher de répondre.

La crise sanitaire comme accélérateur de tendance

La crise sanitaire comme accélérateur de tendance
La crise sanitaire a servi d’accélérateur à de nombreuses fusions

Il serait inexacte de considérer que la crise sanitaire a été le déclencheur des nombreuses fusions-acquisitions de cet été et des dernières semaines. Elle a tout au moins contribué à accélérer le phénomène.

Cela fait de nombreuses années que la consolidation des secteurs est bien visible à la fois sur les économies nationales mais aussi à l’échelle mondiale. Dès 2015, les premières vagues à grande échelle de fusion ont été accélérées notamment par des prises de position dans des sociétés de la part d’entités chinoises. Si la consolidation des secteurs se fera en partie par le rachat d’entreprises, il se fera aussi par la disparition d’autres firmes dont la survie économique ne tient parfois plus qu’à un fil.

La tendance à la concentration semble par ailleurs être différenciée selon les économies. Elle est par exemple beaucoup plus forte dans l’économie américaine qu’au sein des économies européennes. Ce fait est notamment lié aux mesures de contrôle plus drastiques par les autorités dans l’union Européenne qu’outre-atlantique. L’application du droit de la concurrence y est souvent plus strict.

Les intérêts de la fusion-acquisition

Ils sont multiples. La fusion-acquisition est l’occasion d‘acquérir rapidement du savoir-faire et des compétences dans un domaine spécifique. De nombreuses croissances d’entreprises se sont articulées autour du rachat d’autres groupes à la pointe dans leur domaine. Nous pensons notamment au groupe français Dassault Services, spécialiste des logiciels 3D et de modélisation. Depuis de nombreuses années, le groupe n’a de cesse de racheter des spécialistes logiciels dans des secteurs très divers (industrie pharmaceutique, logistique, secteur médical). Cela lui permet de conforter son statut de leader mondial du logiciel dans des secteurs pourtant très différenciés.

La fusion-acquisition est donc soit une opportunité de grandir pour dominer son marché, soit une opportunité de résister à la concurrence. Dans le cadre des entreprises européennes, il s’agit aussi de résister à la concurrence extérieure et aux très grandes entreprises chinoises ou américaines.

L’achat d’un concurrent peut aussi se faire pour des raisons fiscales. Il n’est ainsi pas rare de voir des entreprises dans des pays ou la fiscalité est plus forte, racheter un concurrent pour pouvoir y transférer son siège social. On parle alors d’inversions corportatives.

Les risques de la fusion-acquisition

Les risques de la fusion-acquisition
Fusinner n’est pas toujours synonyme de réussite sur un marché

Rappelons en premier lieu que de nombreuses études tendent à montrer que plus de la moitié des fusions-acquisitions s’avèrent être des échecs.

Certains économistes mettent aussi l’accent sur l’amalgame qui est souvent fait entre taille d’une entreprise, nécessité de grandir et emprise sur un marché. Ce raisonnement oublie rapidement les nombreuses PME françaises, européennes et mondiales qui sont des champions dans leurs domaines tout en restant de taille assez modeste. Un leader mondial n’est donc pas nécessairement une très grande entreprise. Cela reste vrai lorsque l’on se focalise sur des marchés de niche. En cela, la taille ne se substitue en aucun cas au savoir-faire.

En certains cas, la fusion peut se faire dans des buts de prédations d’un concurrent. Il s’agit alors de racheter le concurrent avant qu’il ne devienne trop important sur un marché. On parle dans ce cas de “killer-acquisition“. La littérature économique est large sur ce sujet, notamment dans le domaine pharmaceutique ou les projets de recherche sont légions.

Lors du rachat d’une entreprise par une autre, certaines opérations peuvent être de nature à tuer de l’emploi. Nous pensons notamment au démantèlement des services jugés peu rentables par le repreneur ou encore à la suppression des postes doublons. C’est souvent le cas avec les fonctions support comme celles des ressources humaines. Les activités productives ont tendance à être légèrement moins touchées.

La fusion-acquisition : Pour tous les secteurs ?

Certains secteurs comme celui du luxe sont par ailleurs plus propices aux fusions-acquisitions. En effet, dans ce domaine essentiellement basé sur un prestige historique de la marque, la croissance interne est difficilement envisageable. Les marques de luxe sont ancrées dans les consciences et leur image de prestige se construit sur le temps long.

Les fusions acquisitions permettent en outre de pénétrer de nouveaux marchés pour les acteurs. C’était l’une des idées directrices du rachat de Tiffany par LVMH, à des fins de conquérir le marché américain en y achetant un des fleurons de l’industrie du luxe. Dans ce secteur du luxe, les deux entreprises les plus rentables sont des entreprises dont le portefeuille de compétence et d’actifs est le plus large. Il s’agit du français LVMH et du suisse Richemont. Il y aurait donc sur ce secteur un intérêt prononcé à la concentration. Celle-ci serait même vectrice de performance. Ce n’est pas systématiquement le cas dans tous les secteurs.

Dans le cas général, les fusions-acquisitions sont plus propices et fructueuses dans les secteurs avec de fortes dépenses fixes. Notamment en ce qui concerne la recherche et développement. C’est par exemple le cas du secteur de l’industrie automobile ou encore de l’aéronautique. Dans ces secteurs, les nombreuses faillites couplées aux projets de fusion devraient profondément bouleverser le paysage.

Deux exemples récents de tentatives de rapprochement

Dans l’histoire récente, les projets de rapprochement sont légions. Si chaque fusion est différente, elles sont souvent perçus comme hostile par l’entreprise en passe d’être rachetée.

Tiffany et LVMH

Tiffany et LVMH
Le secteur du luxe est particulièrement propice aux opérations de fusion-acquisition

Un deal à plus de 16 milliards de dollars. C’est ce dont il était question pendant plusieurs semaines. Seulement, la crise sanitaire est passée par la et les cartes ont été redistribuées. Entre temps, le groupe américain Tiffany a connu une perte importante de sa capitalisation boursière depuis l’annonce de son rachat le 24 Novembre 2019 par le groupe français LVMH.

Car si les crises peuvent favoriser les rapprochements, les accords sont souvent conclus pendant la phase de crise. Depuis plusieurs mois, LVMH semblait chercher tous les moyens possibles pour remettre en cause le rachat aux conditions tarifaires de 2019 (135 $ par action).

Le 9 Septembre dernier, le leader mondial du luxe annonçait renoncer à l’opération de rachat de Tiffany “en l’état”. Le groupe fait alors savoir qu’en réaction aux menaces de taxation des produits français sur le sol américain, le ministre des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian lui demande de différer l’acquisition de l’entreprise américaine. Volonté du politique de négocier avec les Etats-Unis ou alibi fourni par le gouvernement français ? Difficile de trancher.

Suez et Veolia

Pour le gouvernement français, l’ambition est claire. Mettre sur pied un champion national et mondial de la transition écologique. Rappelons que Veolia comme Engie (groupe auquel appartient Suez), sont deux entreprises membre de l’indice boursier français de référence : le CAC 40.

Le rapprochement entre les deux géants français est en effet vu d’un bon oeil par le gouvernement et son ministre de l’économie Bruno Le Maire. L’état est par ailleurs actionnaire à hauteur de 23 % dans le capital du groupe Engie. Néanmoins, du côté de chez Suez, l’opération est pour l’heure toujours vécue comme une prédation de Veolia, comme en atteste le scepticisme de son président Bertrand Camus : “Une fusion hostile, qui est fortement fondée sur des synergies et des économies de coûts, a obligatoirement un fort impact sur l’emploi”.

Suez compte actuellement près de 90 00 salariés et Veolia approche de son côté la barre des 170 000 personnes. La fusion entre les deux géants permettrait au nouveau groupe de peser beaucoup plus fortement à l’international en s’assurant une présence sur chaque continent. Lorsque l’on connait les enjeux du marché mondial, aujourd’hui mais aussi le potentiel de croissance qu’offre ce marché, la croissance par l’externe semble être une solution envisageable. Si le gouvernement semble être en faveur de la fusion, certains élus alertent d’ores et déjà sur une situation dans l’hexagone qui pourrait rapidement s’assimiler à une situation de monopole. Avec des impacts potentiels comme la hausse des prix pour les consommateurs et les collectivités locales.

Est ce que la concentration accélère ou réduit l’innovation ?

Est ce que la concentration accélère ou réduit l'innovation ?
Un marché qui se concentre : Plutôt positif ou négatif pour la recherche et développement ?

Tous les observateurs ne sont pas d’accord sur ce point. Il est avant tout important de comprendre de quoi nous parlons.

Pour certains, la concentration engendre une plus grande capacité à l’innovation. En effet, les groupes qui grossissent disposent d’une plus grande manne financière qui pourrait être de nature à financer des projets de recherche et de développement plus ambitieux. Néanmoins, le fait de disposer de plus en plus de parts de marché dans un secteur réduit drastiquement la concurrence. De ce fait, les incitations à innover sont beaucoup moins importantes. Si on raisonne sur un marché concurrentiel qui devient monopolistique, la firme en situation de monopole (ou de quasi-monopole) aura une puissance de frappe importante pour innover. Si la concurrence est faible, elle ne sera cependant pas tentée d’investir massivement dans l’innovation.

La segmentation et les désaccords sont donc avant tout sémantiques. Les uns parlent de capacité à innover quand les autres parlent plutôt d’incitation à innover. Et les deux notions sont d’ailleurs souvent liés. Peu de concurrents sur un marché aurait donc tendance à accroitre la capacité à innover mais à réduire l’incitation à le faire.

Concentration d’un secteur : Quel impact pour le porte monnaie des consommateurs ?

Il en résulte une analyse analogue pour les prix des biens ou des services. Une fusion aura tendance à faire baisser les coûts de production pour les entreprises qui fusionnent. De cette baisse de prix, le consommateur pourra légitimement attendre une diminution du prix d’achat. Néanmoins, à l’inverse, lorsque les fusions se multiplient sur des marchés déjà concentrés, la diminution du nombre de concurrents sur ce marché peut avoir un effet haussier sur les prix.

Dans tous les cas de figure, la crise sanitaire apportera son lot de modifications du paysage économique, notamment par les nombreuses faillites qui interviendront surtout dans les secteurs les plus touchés. Il est inéluctable que le paysage de secteurs comme l’aéronautique va évoluer vers une plus grande concentration. Que ce soit par la disparition d’acteurs sur le marché ou par la fusion-acquisition.

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Romain Boyer Rédacteur Web

Romain Boyer Rédacteur Web

Après une licence en économie, un master en management stratégique à l'IAE de Bordeaux, Romain s'est lancé dans la rédaction web. Toujours en veille des aspects techniques et de nouvelles pratiques sur son métier, il écrit sur les thématiques liées à sa formation : finance, économie, immobilier. Romain travaille en tant que rédacteur web SEO depuis près de 5 ans, et publie régulièrement sur Actufinance.

Depuis 2022, il porte aussi la casquette de Consultant SEO et réalise des audits de sites internet pour ses clients. Issu d’une formation économique avec une licence validée à l’Université de Bordeaux et un master en école de commerce (IDRAC Bordeaux), il est rédacteur immobilier et finance. Poussé dans le bain des actifs numériques, il s’intéresse au potentiel disruptif qu’offrent ces actifs.

C’est ainsi dans une démarche de démocratiser l'usage et la compréhension des cryptomonnaies que Romain collabore avec Actufinance. Lorsqu’il ne traite pas de l’actualité crypto, il rédige des guides complets sur le trading, les actions à fort potentiel ou encore les manières de diversifier son portefeuille d’actifs. Il s'est également spécialisé dans les jeux d'argent en ligne et il rédige quotidiennement des guides et avis casinos.

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